I comme Icône, caractéristique du laguiole
Au fil des siècles le couteau laguiole est devenu un symbole à part entière, une icône du bien-vivre capable de briller à la campagne comme sur les belles tables.
Pour l’Église orthodoxe, l’icône (εικόνα ou eikona) est beaucoup plus qu’une image pieuse, elle est une instance de médiation avec le divin.
Comme telle, dès le VIIIe siècle, l’icône doit satisfaire à des critères bien établis, imposant aux artistes de strictes contraintes : représenter Jésus puis Marie ou un personnage religieux ayant un rapport direct avec eux, être dessinée en deux dimensions, montrer les visages de face avec leurs deux yeux de face, être de forme rectangulaire, rigoureuse dans son dessin, composée de lignes séparant nettement les surfaces colorées…
Cet ensemble d’éléments forme ce qu’on appelle « un canon ». Par extension, tout objet présentant des caractéristiques formelles clairement identifiées et revêtant une forte valeur symbolique se voit qualifier d’icône.
Toutes les caractéristiques iconiques dans un couteau
Se poser la question à propos Laguiole, n’est-ce pas y répondre aussitôt par l’affirmative.
Car, c’est bien de cela qu’il s’agit.
Il y a d’abord la mouche, petite plateforme située en tête du ressort, jadis pourvue d’un anneau permettant d’ouvrir le couteau. Lorsque que le Laguiole prend sa nature définitive de pliant à cran forcé, elle perd sa fonctionnalité sans pour autant disparaître. On la sculpte de mille et une façons et notamment en abeille. Bien qu’il soit impossible de fournir une explication définitive, l’insecte s’impose au 20ème siècle et l’abeille devient pour beaucoup l’emblème du Laguiole.
Il y a ensuite la lame Yatagan, avec sa pointe et son angle immédiatement reconnaissables, issus des « navajas » catalans rapportés par les scieurs aveyronnais en campagne de l’autre côté des Pyrénées.
Le manche à la ligne courbe, s’inspirant de la jambette (nom du manche du couteau sans ressort, l’eustache) représente une étape supplémentaire dans l’élaboration de l’identité du couteau.
L’introduction du cran forcé achève de métamorphoser le « capuchadou » en « Laguiole », tandis qu’entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe, les mains habiles des grands artistes-couteliers lui donnent son allure définitive. Le « petit » pliant forgé sur les bords de la Selves est devenu le symbole de la haute coutellerie hexagonale.
Désormais, il est aussi à l’aise dans les poches des princes que dans celles des artistes ou des éleveurs du plateau de l’Aubrac.
A la Forge de Laguiole, conscients de la valeur de cet héritage, les maîtres-couteliers ont à cœur de respecter ce « canon » qui a fait du pliant Laguiole, cette icône de la coutellerie universelle.