Situé au ponant du plateau de l’Aubrac, à près de 1000 mètres d’altitude, le village de Laguiole en est l’une, sinon la gemme la plus célèbre.
Dans ce paysage à la fois brutal et splendide, combinant le vert et le bleu l’été ; le gris et le brun, l’hiver : le village de Laguiole offre une échappée d’authenticité et de plaisir au visiteur. Laguiole, ce sont d’abord les 1.317 laguiolais qui défendent avec vigueur et passion leur patrimoine et leurs créations. C’est aussi une histoire qui commence dès le VIIIème siècle. Au début de cette histoire, le mot Laguiole dont l’étymologie renvoie à ‘la gleisola’, qui signifie la petite église, laquelle devenue l’église principale au XVIème siècle, soude le « la au nom « Guiole » ou « Guiolle » pour former le toponyme : Laguiole.
Reste la prononciation « Laïole », un mystère pour beaucoup. Les explications sont nombreuses ; certains évoquent une palatalisation liée à la proximité des parlers auvergnats, d’autres, la résistance de Laguiolais déjà irréductibles à la normalisation orthographique imposée par le XVIIème siècle et l’académie.
De royal à républicain, un village prospère
Au XIVe siècle, Laguiole n’a pas encore donné naissance à une amicale « La Laguiolaise » mais c’est déjà la Châtellenie de Laguiole qui englobe Laguiole, Curières et la Roquette Bonneval. Elle a été cédée par Charles V à Jean d’Armagnac en remerciement ; le comte de Rodez a aidé le Roi de France a bouté les anglais hors de l’Hexagone et du village de Laguiole qu’ils occupaient depuis 1355.
Déchirée par les guerres de religion, le Rouergue est le terrain de violentes convoitises. Toutefois, S’agit-il de contrer et d’affaiblir les ligueurs, en 1589, ’Henri IV fait de Laguiole et de façon définitive une Châtellenie Royale. Le XVIème et le début du XVIIe sont rudes au village de Laguiole qui voit sa population chuter de près de la moitié et la révolution française y est tumultueuse. Devenue département de l’Aveyron en 1790, la région du Rouergue et Laguiole connaissent les affres de la terreur et les contre-révolutionnaires jusqu’à ce que le consulat mette un point final à ces années-là.
Le XIXe siècle dans sa deuxième partie et le début du XXe est prospère pour les Laguiolais et les Laguiolaise. Foires, concours de la race d’Aubrac, couteliers émérites, retour des Parisiens et premiers touristes attirés par le bon air, « les bons hôtels » et « l’église » comme l’indique déjà le syndicat d’initiative de l’Aveyron contribuent à faire de ce bourg d’alors 1800 habitants, l’un des centres actifs de la région.
Las ! La guerre de 14 puis celle de 39-40 va porter un coup presque fatal au village qui voit fermer ses coutelleries les unes après les autres, ses burons désertés et la race Aubrac menacée d’extinction.
Les hommes et les femmes Laguiole sont gens tenaces, issus d’une terre endurante, ils n’abandonnent pas la partie. Sous la houlette d’André Valadier, la vache Aubrac revient sur le plateau et la coopérative Jeune-Montagne relance la fabrication du fromage le Laguiole. Michel Bras puis son fils Sébastien Bras font du village l’une des étapes phares de la gastronomie française et La Manufacture Forge de Laguiole ramène le feu de la coutellerie : l’usine et la boutique se visitent d’ailleurs toujours en entrée libre tous les jours de l’année.
Laguiole, moderne et toujours irréductible
Tout serait allé de bien en mieux sous l’œil placide du Taureau de Laguiole offert au village en 1947 par le sculpteur animalier Georges Lucien Guyot, si un beau matin, le village ne s’était vu confisquer l’usage de son nom. En 1993, servi par le flou du droit administratif français en matière de dénomination des collectivités territoriales, un habitant du Val-de-Marne dépose la marque « Laguiole », et le concède sous licence à 22 entreprises. « Plus d’un millier de produits fabriqués aux quatre coins de la planète sont ainsi labellisées « Laguiole » : linge de maison, vêtements, chaussures, briquets ou barbecues.
En revanche, les Laguiolais qui fabriquent leurs produits dans le village ou utilisent le nom de Laguiole, doivent, eux, lui verser une dîme autrement-dit une redevance. Le village et ses habitants ne se laissent pas faire. Déboutés une première puis une deuxième fois, ils démontent symboliquement la plaque Laguiole le 19 septembre 2012 alertant sur leur sort, le président de la République.
Il faudra encore cinq ans et l’obstination sans faille des couteliers de Laguiole emmenés par Thierry Moysset, Gérant de la Manufacture Forge de Laguiole, pour que justice soit rendue. Le 5 avril 2017, la Cour de justice européenne supprime la marque « Laguiole » pour les couteaux laguiole et autres objets tranchants, permettant aux couteliers d’apposer le nom du village sur l’ensemble de leurs produits.
Un grand pas en avant pour tous les artisans de Laguiole !