Le safran, épice rare d’Aveyron
L’espace vert et bleu d’Aveyron produit une épice jaune mordorée : le safran. L’or rouge se cultive à quelques encablures de la Forge de Laguiole.
La culture de safran séduit un nombre de personnes toujours plus grand. C’est vrai qu’elle se contente de petites surfaces du moment que celles-ci sont bien ensoleillées. En revanche, elle ne tolère pas la machine pour la récolte. De la main d’œuvre, du savoir-faire ; le safran est donc une épice forcément un peu chère mais qui peut offrir un retour sur investissement satisfaisant dès lors qu’on y consacre le temps nécessaire.
Au printemps venez découvrir le safran en feuilles et en épices tout près de Laguiole… mais avant un peu d’histoire !
Épice de légende la plus chère au monde, recherchée pour ses multiples pouvoirs médicinaux, réputée en cuisine pour sa saveur amère particulière et signant de son jaune mordoré les plats qu’il parfume, le safran ou safranum en latin, açafrão en portugais, zafferano en italien, azafrán en espagnol, zaʻfarān en arabe, zarparan en persan, se dévoile, paré de toutes les séductions de l’Orient.
Pourtant, c’est en Grèce que la fleur sauvage dont il est issu, le Crocus cartwrightianus s’embourgeoise, désormais cultivée sous le nom de Crocus sativus. Elle traverse la mer Adriatique, rejoint la Sicile et passe dans la botte, accompagnant les romains dans leurs conquêtes. Bientôt, le safran gagne tout le pourtour méditerranéen entendu au sens large. Tout incite à penser que la jolie corolle aux pétales parme fut cultivée sur les terres bien drainées de l’Aveyron. La chute de l’empire romain entraine sa disparition en Occitanie au moins jusqu’au VIème siècle et qui le voit revenir avec les Maures en Espagne.
Au Moyen-Age en général, et notamment dès la fin du XIIème siècle, l’Aveyron joue un rôle particulier dans la diffusion et le renouveau de la culture du safran. La région est un lieu privilégié d’échanges commerciaux et culturels avec la péninsule ibérique et l’Orient plus lointain. Nombreux sont les pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle à emprunter ses voies, chemins et sentiers comme l’ont été les croisées revenus du Levant. « L’or rouge du Rouergue » comme on va l’appeler, se cultive bientôt un peu partout en Aveyron et particulièrement au sud. La culture du crocus exige de la main d’œuvre et de l’attention, le XXème siècle et sa frénésie de mécanisation la fait disparaître presque complètement du territoire.
Safran à déguster, à visiter…Nouvelles attentes de consommateurs redevenus gourmets, nouvelles curiosités dont celle du grand Chef Michel Bras et de son fils Sébastien, le safran est de retour dans les assiettes de l’Aubrac. De nombreuses safranières ouvrent leurs portes au public, pour y faire découvrir les modes de cultures, de récoltes de la fleur et de délicieuse préparations safranées. Parmi elles, on mentionnera, l’une, proche de Laguiole, la ferme « La Safran du Gourg » située à l’est d’Espalion, (Le Gourg 12500 Lassouts (0)5 65 66 24 47- safranaveyron@orange.fr). Ne pas oublier : la floraison du safran a lieu en octobre mais les feuilles sèchent en mai, le printemps est donc la saison idéale pour s’initier aux secrets de la plante et converser avec son cultivateur ! |
Recettes au safran d’Alexandre Dumas à Sébastien Bras
Enfin, on ne résistera pas au plaisir de rappeler ces merveilleuses recettes d’Alexandre Dumas extraites de son Grand Dictionnaire de cuisine :
« Conserve au safran. Faites cuire du sucre à la petite plume, mêlez-y du safran torréfié et réduit en poudre, ajoutez-y un peu de liqueur de scubac d’Irlande, puis dressez vos conserves, faites-les sécher à l’étuve et servez-vous-en au besoin »
On évoquera aussi ce « bouillon de cultures », « dans un bouillon au safran d’ici : des légumes tiédis au gras de canard et une tranche de pain de seigle, kasha», concocté par Guillaume Viala en son restaurant « La Belvédère » à Bozouls. On rappellera les « endives pochées au safran, omble mariné » signé Sébastien Bras pour le célèbre établissement familial « Le Suquet ».